Le 13 octobre dernier, à l’âge de 89 ans, Monsieur Denis Szabo, qualifié de Père de la criminologie québécoise, nous a quittés. Il n’est plus là, mais a légué un tel héritage à la criminologie, l’Université de Montréal et la société québécoise en général, qu’il m’apparaît essentiel de souligner ses contributions phénoménales.
De prime abord, notons que l’École de criminologie de l’Université de Montréal fut fondée en 1960. Cependant, peu de gens savent que les tout premiers cours de criminologie ont été offerts en 1959, en cours du soir, à des étudiants adultes. Denis Szabo, jeune sociologue hongrois immigré au Québec depuis à peine un an, avait alors convaincu Léon Lortie, doyen de la Faculté de l’éducation permanente, « d’essayer » d’intéresser les gens à la criminologie. À la surprise de plusieurs, ces cours eurent un succès inespéré, rassemblant autour d’intérêts communs « quelques quarterons, des flics, des éducatrices, des sœurs des maisons de rééducation pour jeunes filles, quelques avocats aussi et même un magistrat ou l’autre du tribunal de la jeunesse. Et du grand public aussi, un peu. »1.
Ce succès fulgurant amène Denis Szabo encore plus loin : il fonde un département qui deviendra l’École de criminologie, puis le Centre international de criminologie comparée, la revue Criminologie, la Société de criminologie du Québec et l’Association des criminologues de langue française. Cet entrepreneur friand d’innovation aura contribué à changer profondément notre regard sur le crime, les criminels et la réaction sociale face aux crimes, au Québec d’abord, mais aussi dans toute la francophonie, où la criminologie de Montréal a une réputation enviée.
60 ans plus tard, à l’Université de Montréal seulement, il s’offre un large éventail de formations criminologiques, au sein de l’École de criminologie2 et de la Faculté de l'éducation permanente3. Des milliers d’étudiants ont été formés à réfléchir sur le crime de façon multidisciplinaire, scientifique et pragmatique à la fois. En effet, l’École de Montréal reflète encore aujourd’hui la vision initiale de son créateur : on fait appel à de multiples approches, méthodes et disciplines pour comprendre le phénomène criminel et, ultimement, pour changer la manière dont on réagit au crime, dont on traite les contrevenants et leurs victimes et dont on pense la sécurité de nos sociétés.
Pour ma part, j’ai eu l’immense privilège de côtoyer Monsieur Szabo qui était un convive occasionnel de notre table familiale. En effet, il considérait mon père, Maurice Cusson, à la fois comme un collègue et un ami et ils adoraient discuter longuement de tout ce qui pouvait toucher au monde de la criminologie. Alors jeune adolescente, j’adorais l’écouter relater ses histoires, ses réflexions, ses idées. Quand, quelques années plus tard, j’ai fini par m’inscrire en criminologie, il m’a interpellée dans le corridor : « Ma chère Fabienne. Comme je suis heureux que vous marchiez enfin dans les traces de votre éminent papa ! Vous savez, je le considère un peu comme mon fils spirituel, ce qui fait donc de vous ma petite-fille criminologique. ». C’était il y a près de 25 ans, et j’en suis encore émue et fière.
Merci, Monsieur Szabo, de votre contribution exceptionnelle.
1 Fournier, M. (1998) Entretiens avec Denis Szabo, Fondation et fondements de la criminologie
2 Baccalauréat spécialisé en criminologie, Baccalauréat en Sécurité et études policières, Majeure, Mineure, Maîtrises et Doctorat.
3 Quatre certificats : Criminologie, Victimologie, Gestion appliquée à la police et à la sécurité, Enquête et renseignement.
Avec un demi-millier de chargés de cours pour 30 certificats, la FEP est une pépinière d’expertises dans des domaines extrêmement variés.
C’est à eux et à nos responsables de programmes que nous cédons la parole pour qu’ils apportent un regard nouveau sur des enjeux liés à leur discipline.
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