La publicité est un art. L’art de convaincre. L’art de rendre un produit désirable en trouvant les mots appropriés pour vendre un ordinateur, un cellulaire, des dessous féminins, une voiture sport, un tube de dentifrice. Ce n’est pas une mince affaire. Les consommateurs sont assaillis de milliers de messages dans leur quotidien alors qu’ils se foutent royalement de la publicité, de ces marchands de rêve qui veulent leur argent. Il faut plutôt réveiller en eux le désir, créer une attirance pour le produit X. Le pari est loin d’être gagné d’avance, mais ce n’est pas une raison pour céder à la facilité.
Il faut écrire 100 titres avant d’en choisir un, écrit Luke Sullivan dans son livre génial sur la pub Hey Whipple Squeeze This1. Un bon titre, une bonne accroche, un texte finement ciselé pour capter l’attention du lecteur, telle une pierre précieuse polie et repolie, brille, se détache du lot, nous interpelle, nous titille.
Or, une tendance malicieuse et insipide s’est glissée dans le monde publicitaire depuis quelque temps : l’emploi ridicule du cri de ralliement Osez ! Ça déborde de partout et j’en ai soupé ! Les publicités2 de Walt Disney, les montures de lunettes, un parti politique des produits de beauté, du chocolat, de Canadian Tire, de la Banque Laurentienne, du fromage Philadelphia, des produits de maquillage, de Cadillac, du porc du Québec, de la Société des Alcools, du café à torréfaction artisanale, de Dagwoods, en usent sans vergogne, la liste est interminable.
Et qui est à l’origine de ces horreurs ? Deux sources : les annonceurs eux-mêmes et les agences de publicité. C’est le cas des annonceurs qui, sans l’aide de publicitaires, convaincus que c’est l’idée à suivre, écrivent « Osez ! », certains qu’il s’agit de la bonne formule et que les acheteurs suivront. Mais, ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font : Osez séduire, Osez la beauté, Osez le fromage, Ose ta sauce !
Non, les annonceurs ne sont pas responsables, ce n’est pas leur métier d’écrire. Ils ne maîtrisent pas le vocabulaire publicitaire, ne connaissent pas le pouvoir de séduction des mots; ils ne veulent que VENDRE, rapidement.
C’est à croire qu’adopter leur produit demande du courage, de la hardiesse, exige de se montrer audacieux…
Mauvaise stratégie. Mauvais choix de mots.
Se peut-il qu’obnubilés par la popularité du mot OSEZ, ils le déposent de façon inconsciente sur le papier, assurés que c’est là, la formule magique pour vendre ?
Dans le cas des agences de publicité à l’origine de ces insignifiances dont on nous abreuve, cela devient impardonnable. Les causes ? Manque d’imagination, manque de vocabulaire, manque de finesse dans le choix de la bonne formule. Sans compter le refus de prendre le temps d’analyser le produit à annoncer et de trouver l’expression originale – et puissante – qui captera l’attention du lecteur. Ces concepteurs sautent sur la solution facile : on fait comme tout le monde, et on dira Osez ! La belle affaire. Tout est bâclé, l’annonce est faite et on se retrouve dans les médias avec Osez le rose (Porc du Québec) : ridicule ! Osez Oser (SAQ) : quelle imagination ! L’infâme L’audace d’oser (Cadillac). Pour ces agences à la gâchette rapide, il est plus rapide de proposer OSER au client annonceur que de chercher l’expression originale qui aura de l’impact. Puis, on passe au suivant. Pas le temps de chercher, le temps c’est de l’argent.
Je suis révulsé, profondément inquiet de la pauvreté de la langue des publicitaires ayant adopté cette facilité. Il faut donner l’exemple aux annonceurs qui choisissent de travailler seuls en rehaussant le niveau, pas en l’avilissant.
Ou alors, choisissez un autre métier si vous n’avez pas le goût de lire et d’apprendre l’art de convaincre avec des mots qui frappent, en maniant les subtilités de notre belle langue.
1 Sullivan, Luke. Hey Whipple Squeeze This Hoboken : John Wiley and Sons, 2016, Fifth edition
2 Tous les cas présentés sont documentés.
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