En 1920, le terme robot, dérivé du tchèque robota qui signifie « corvée », fait son apparition dans une pièce de théâtre de science-fiction. Un robot est « une machine destinée à automatiser la réalisation de certaines tâches »1. Dans la littérature ou la fiction cinématographique, de nombreux robots, humanoïdes ou non, bienveillants ou menaçants, ont marqué les esprits : HAL 9000, dans 2001 : Odyssée de l’espace (1968), les robots doués d’empathie d’Isaac Asimov (notamment dans Le cycle des robots, entamé en 1950) ou encore le maladroit, mais bien intentionné robot-interprète protocolaire C3P0 dans la saga Star Wars (1977), pour ne citer que ceux-là. (Vous souvenez-vous, en passant, que C3P0 maîtrisait « six millions de formes de communication »? De quoi faire pâlir d’envie les spécialistes du transfert linguistique.)
Les applications de la robotisation au champ des langues, et de la traduction en particulier, font l’objet de travaux de recherche surtout depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1966, le rapport de l’organisme américain ALPAC, créé deux ans plus tôt et chargé de faire l’état des lieux des possibilités en matière de traduction automatique, se terminait sur une note défaitiste : « while we have machine-aided translation of general scientific text, we do not have useful machine translation. Further, there is no immediate or predictable prospect of useful machine translation. »2 C’était avant l’avènement des systèmes de traduction automatique statistique, de l’apprentissage profond et des réseaux neuronaux. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la recherche dans le domaine de l’intelligence artificielle, à la constitution de mégacorpus et à la puissance de calcul des cerveaux informatiques, la traduction automatique semble sur le point de supplanter la traduction humaine.
Devons-nous pour autant craindre la machine? Je pense que cela dépend de ce que nous la laisserons faire. Tout d’abord, il faut noter qu’à l’heure actuelle, les « cerveaux » informatiques demeurent des systèmes asservis, c’est-à-dire dont l’autonomie est réduite par la programmation humaine. Tant que cela sera le cas, toute action dommageable de la machine sera imputable à une intention humaine. La question pour l’avenir des traducteurs humains est donc double : l’intelligence artificielle sera-t-elle en mesure de produire des cerveaux artificiels doués d’autonomie, donc de volonté propre, qui échapperont à l’humain (et si la réponse est oui, quand?), mais aussi : tant que la volonté humaine prime, que choisirons-nous de faire de la puissance artificielle que nous faisons naître? Si un jour les robots sortent de l’asservissement, ce sera parce que leurs maîtres leur en auront donné les moyens.
Pour citer Laurence Devillers : « Il faut remettre l'homme au centre des stratégies de robotisation. La démarche doit être celle d'une amélioration du travail pour les humains et non celle de leur simple remplacement par des machines dans un unique objectif de rentabilité à court terme. Le robot peut nous assister pour notre bien-être et respecter notre dignité d'homme! »3
Je repose donc la question : devons-nous craindre la machine? Je ne crois pas. Je crois qu’il faut plutôt craindre la folie de l’humain qui crée la machine.
1Devillers, L. (2017). Des robots et des hommes. Mythes, fantasmes et réalités., Paris : Plon, p. 48
1ALPAC (1966). http://www.mt-archive.info/ALPAC-1966.pdf , p. 32
1Devillers, L. (2017). Des robots et des hommes. Mythes, fantasmes et réalités., Paris : Plon, p. 225
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