16 Janvier 2018

Reporter à l’international : beaucoup d’appelés, peu d’élus

Dans le cadre de la semaine des correspondants de Radio-Canada, notre chargé de cours Marc Laurendeau a animé le 12 janvier dernier une table-ronde à laquelle nos étudiants du certificat en journalisme ont été conviés et où ont participé Michel Cormier, directeur général de l'information de Radio-Canada, Marie-Ève Bédard, correspondante à Beyrouth et Christian Latreille, correspondant à Washington.

Retour sur cette table-ronde inspirante où dans la salle comble de brillantes questions ont fusé de part et d’autre. 

Au cours d’un débat passionné, les invités sont revenus sur leur parcours, sur ce qui les a amenés à travailler en tant que correspondants à l’étranger. Un domaine qui comporte beaucoup d’appelés, mais bien peu d’élus, et qui est également bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. 

C’est à force de travail acharné qu’ils sont parvenus à devenir correspondants à l’étranger. Marie-Ève Bédard a ainsi passé plus de 15 ans à l’étranger à titre de recherchiste et réalisatrice avant de faire ses débuts devant la caméra. D’abord affectée à Washington et par la suite à Moscou, elle n’a jamais hésité à aller dans les zones à haut risque. 

Michel Cormier, ayant été aussi correspondant, a parcouru pour sa part de nombreuses villes telles Paris, Pékin, Bangkok et Moscou. Il conseille de faire preuve de passion, de curiosité et de ténacité. Peu nombreux sont ceux qui rêvent de travailler au municipal, dit-il ! Et pourtant, selon lui, on peut travailler sur des inondations au Québec avec la même passion qu’en couvrant des inondations à l’autre bout du monde. Il est préférable de faire ses classes au pays avant d’être reporter à l’international, conclut-il. 

Pour Christian Latreille, le travail de correspondant à Washington est un défi palpitant qui lui réserve encore aujourd’hui bien des surprises. Il a insisté sur l’ampleur de l’inédit de la situation actuelle aux États-Unis. Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, il a l’impression d’une absence de stratégie de fond à la Maison Blanche. Le président Trump improvisait-il totalement lorsqu’il a reconnu officiellement Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël, se demande-t-il?
À coup sûr, l’année 2018 aux États-Unis s’annonce passionnante à suivre. Les élections de mi-mandat sont à surveiller. Le président pourrait-il être destitué à la suite de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller?
En poste à Beyrouth, Marie-Ève Bédard, quant à elle, doit composer avec toute la complexité du Moyen-Orient et rendre intelligible, pour l’auditoire canadien, les conflits dans cette région du monde en perpétuelle mutation.  

Les correspondants ont mis en relief la difficulté de s’immerger dans une culture qui n’est pas la leur, pour ensuite la traduire à leurs compatriotes et leur faire partager tout l’extraordinaire de la situation.
Michel Cormier a rappelé combien il était important de traduire les événements à l’étranger dans des repères qui sont ceux des Canadiens. Par exemple, pour évoquer la situation économique en Grèce, un journaliste canadien ne parlera pas en terme de drachmes, d’euros, mais plutôt de dollars canadiens.
Tous les correspondants ont insisté sur l’impérative nécessité de multiplier les sources et de ne pas se contenter de simples versions officielles. Marie-Ève Bédard a ainsi expliqué qu’il était ardu d’établir des relations interpersonnelles avec des personnes à l’étranger, de les mettre en confiance et que cela constituait un préalable essentiel à un travail de longue haleine. 

Pour finir, les correspondants sont revenus sur les fakes news. Face à elles, le journalisme n’a jamais été aussi important, estiment-ils !
Le directeur de l’information de Radio-Canada a rappelé qu’un fait est un fait et qu’il faut avant tout ramener le journalisme aux faits. « Les conspirationnistes ont existé de tout temps. La nouveauté aujourd’hui est qu’ils ont la possibilité de publier avec plus de facilité sur de nouveaux supports. Il devient alors nécessaire de donner la parole aux véritables journalistes qui peuvent expliquer leur démarche. Le journalisme a encore de beaux jours devant lui ».