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Faire entendre les communautés marginalisées : la vocation de Lela Savić, diplômée journaliste de la FEP

Première femme rom à diriger un journal au Québec, Lela Savić est une journaliste passionnée. Avec La Converse, la diplômée du certificat en journalisme de la Faculté de l’éducation permanente (FEP), donne la parole aux communautés marginalisées et propose une couverture de l’actualité humaine et basée sur le dialogue. Retour sur le parcours d’une femme lumineuse, impliquée dans sa communauté et qui n’a pas peur de poser les questions qui dérangent.

C’est en regardant des films sur la communauté rom*, à l’âge de sept ou huit ans, que Lela Savić décide qu’un jour, elle donnera la parole aux membres de sa communauté et qu’elle racontera leur histoire, qui est aussi la sienne. Rom née en Serbie, Lela Savić grandit à Montréal sans jamais se couper de ses racines. Elle est proche de sa communauté, parle la langue romani et l’enseigne à ses enfants. Très jeune, elle s’indigne face à la vision négative et stéréotypée dont souffre sa communauté. « Je trouvais qu’il y avait un fossé entre l’image véhiculée dans les films et les médias sur ma communauté et la réalité que je voyais tous les jours dans ma famille et parmi mes proches », partage-t-elle. C’est décidé, elle sera journaliste.

Ce rêve, elle le réalisera grâce à la FEP et à son certificat en journalisme.

Lela veut être grande reporter à seize ans, mais elle envisage aussi de fonder une famille plus tard. Comme il lui semble difficile de concilier les deux, elle décide finalement d’étudier dans un autre domaine. Elle débute ainsi un baccalauréat en psychologie et en communication. En réalité, si elle ne saute pas tout de suite le pas vers le journalisme, c’est qu’elle ne se sent pas légitime, car les journalistes ne lui ressemblent pas. « Je ne pensais pas que des gens comme moi pouvaient devenir journalistes. Et puis j’ai rencontré une collègue qui avait travaillé à Al Jazeera au Maroc qui m’a convaincue de faire un stage de six mois à Radio Centre-ville Montréal après mon baccalauréat », explique la journaliste. Et là, c’est la confirmation. Elle sera journaliste, c’est sûr. « Une fois que le journalisme était entré dans mes veines, c’était fini », se souvient Lela en souriant.

Un certificat en journalisme déterminant

Maman d’un bébé de quatorze mois et sur le marché du travail, elle décide à vingt-sept ans de se réorienter professionnellement en suivant le certificat en journalisme de la FEP. « C’est ma petite fille qui a été mon déclencheur. Je me suis dit, comment vais-je dire à ma fille de croire en ses rêves si moi je n’ai pas cru aux miens ? Je n’avais ni les contacts, ni les compétences. Je me suis donné la chance d’être journaliste en faisant ce certificat en deux ans. Et ma carrière a commencé ».

Ce qui l’attire à la FEP, c’est que le programme du certificat en journalisme est court (il peut se faire en un an à temps plein et jusqu’à quatre ans à temps partiel), pratique et ses cours sont offerts par un corps enseignant composé de journalistes. Surtout, les horaires de cours de soir et de fin de semaine lui permettent de continuer à travailler à temps plein. Dans ce défi, elle peut compter sur son entourage familial. Sa mère, notamment, soutien indéfectible, garde sa fille lorsqu’elle va en cours. Aujourd’hui, la plupart des cours du certificat en journalisme, rebaptisé certificat en journalisme multiplateforme, se donnent en ligne, ce qui permet une meilleure conciliation travail-études-vie personnelle, mais à l’époque, ils se faisaient en classe. Avec persistance et détermination, elle tient bon. « J’ai vraiment aimé étudier au contact de personnes qui avaient un parcours similaire au mien : des parents, sur le marché du travail, des gens de plus de 25 ans, qui avaient un parcours professionnel dans d’autres domaines que le journalisme. C’est ça, la richesse du programme : des profils variés et très intéressants », partage Lela Savić.

D’étudiante à la FEP à conférencière à Harvard

Dans cet environnement d’aspirants et aspirantes journalistes, Lela s’épanouit. Elle s’investit à 100 % dans ses cours. Le premier cours qu’elle suit, Éthique et déontologie du journalisme, la passionne d’emblée. Le cours ouvre la réflexion sur le rôle des journalistes, leurs droits et leurs responsabilités. En tant que personne issue de la diversité, elle s’est souvent interrogée sur la responsabilité des journalistes dans l’angle choisi pour traiter un article, notamment à propos des communautés marginalisées et racisées comme la sienne. Elle n’hésite pas à remettre en question le milieu journalistique ainsi que son homogénéité, à faire bouger les choses. Une remise en cause essentielle pour la crédibilité future de la profession, selon elle.

« Mon travail de journaliste est de questionner les gens. Je pose souvent la question qui dérange et je le faisais déjà en cours au certificat en journalisme de la FEP. Pour moi, c’est cela être journaliste : poser les questions difficiles. Je ne donne pas mon opinion, je pose des questions qui ne sont pas posées. J’apporte un autre regard sur une réalité, indépendamment de mon avis. C’est une des conséquences de la diversité. Il est normal que les conversations changent », explique la journaliste, qui passait des heures à discuter avec ses chargées et chargés de cours. « Si je devais donner un conseil aux étudiantes et étudiants du certificat, ce serait celui-ci : parlez à l’équipe enseignante et à vos collègues. Pour être journaliste, il faut de l’entregent et des contacts. Ce sont peut-être vos futurs employeurs, collègues ou employés, vos futures recommandations, ce sont vos portes d’entrée vers la profession. »

Son investissement dans le certificat ne s’arrête pas là. La jeune femme passionnée organise, avec le responsable du certificat de l’époque, monsieur Robert Maltais, des causeries sur la place des femmes ou la diversité dans le journalisme. Et le succès est au rendez-vous. Robert Maltais se souvient bien, d’ailleurs, de son étudiante : « J’ai vu des étudiantes et des étudiants passer pendant presque vingt ans au certificat. Lela est certainement l’une des plus brillantes. Nous avons souvent « croisé le fer », toujours cordialement, sur notre conception du métier de journaliste. Je pense qu’elle va contribuer positivement à l’évolution de ce métier. Elle est d’une intelligence remarquable. »

Diplômée, elle décroche le stage d’été et de la diversité à La Presse, enchaîne avec un stage de quatre mois à l’émission Enquête, poursuit comme pigiste puis obtient un poste de journaliste au journal Métro où elle traite des sujets de justice sociale et droits humains. Encouragée par d’autres femmes racisées du milieu journalistique dans le reste du monde, elle donne également des conférences sur les Roms, mais aussi sur les biais et la représentation médiatique à l’OSCE (l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) et dans des universités comme celles de Harvard et de Toronto. « J’ai une responsabilité morale de redonner à ma communauté en tant que personne rom ayant eu la chance d’avoir accès à des études universitaires. »

Redonner à sa communauté. Faire entendre les voix marginalisées. Donner aux gens le pouvoir de raconter leurs propres histoires. C’est cela, le leitmotiv de Lela Savić : faire du journalisme de dialogue, donner la parole à ceux et celles que l’on entend peu dans les médias. C’est ainsi qu’elle crée en 2020 son propre journal, La Converse.

La Converse, le journal qui donne la parole à ceux qui ne l’ont pas

La Converse propose ainsi un journalisme de proximité où l’humain est mis en avant. Organisme à but non lucratif et indépendant de tout lien publicitaire, le journal en ligne établit des liens de confiance avec les communautés et se veut un outil de changement pour la société.

« Pour moi, le journaliste est plus proche du travailleur social que de la vedette. C’est un connecteur, qui écoute les personnes qui n’ont pas de voix et qui questionne l’autorité. C’est un travail essentiel dans une démocratie », soutient Lela Savić. « Le seul contact que certaines personnes ont avec des communautés marginalisées ou racisées, c’est l’image qu’elles en ont dans les médias. C’est là que prend toute la dimension du rôle de journaliste. Comment est-ce qu’on représente l’autre ? La façon dont on les dépeint a un impact réel dans la vie des gens. Pour moi, c’est une grande responsabilité que de devenir journaliste. »

Sa plus grande fierté ? Former la relève avec l’École Converse. Loin de se cantonner à parler des personnes issues de communautés marginalisées, le journal leur donne la parole. Au travers d’ateliers de journalisme écrit, d’écriture créative ou de balados, l’École Converse forme au métier de journaliste des jeunes de 16 à 30 ans, qui ont ensuite la possibilité de se joindre à la salle de presse de La Converse. Surtout, elle leur redonne confiance dans les médias. « Ces jeunes ont la flamme en eux. Tout ce que l’on fait avec l’École Converse, c’est de croire en eux et de leur donner les outils. C’est incroyable de voir certains jeunes qui se méfiaient des médias vouloir devenir à leur tour journalistes. »

Lela Savić voulait donner aux gens le pouvoir de raconter leurs propres histoires. Un élan qui n’est pas près de s’arrêter avec cette belle et jeune relève.

Pour en savoir plus sur le Certificat en journalisme multiplateforme.

Pour en savoir plus sur nos programmes courts.

*Selon le site Amnesty International, les Roms constituent la plus importante et ancienne minorité présente en Europe. Il existe diverses dénominations en fonction du temps et des lieux et teintées de connotations plus ou moins négatives : Tsiganes, gens du voyage, gitans, bohémiens, romanichels, manouches, etc.